De Hiroshima à Fukushima
Nul ne saurait oublier ce qu’il advint de la ville de Hiroshima au Japon le 6 août 1945 pendant la seconde guerre mondiale. Ce jour fut marqué par le premier bombardement atomique de l'Histoire. Les pertes en vies humaines dans cette citée furent évaluée à 140 000 morts par les autorités nippones. 66 ans plus tard, un séisme de magnitude 9 sur l’échelle de Richter, suivi d’un tsunami d’environ 23 mètres de haut dévastent le Nord-Est du Japon et exposent le pays du soleil levant à une nouvelle menace nucléaire. En effet, la zone sinistrée couvre la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi, aussi dénommée centrale nucléaire de Fukushima 1, une des 25 plus grandes centrales nucléaires au monde. A la suite du tremblement de terre et du tsunami du 11 mars dernier, les réacteurs 1, 2 et 3 ont été automatiquement arrêtés, mais les systèmes de refroidissement ainsi que les systèmes de secours, censés prendre le relais dans ce cas, ont été endommagés. De ce fait, l'énergie résiduelle du combustible n'était plus évacuée et la température au sein du cœur n'a cessé d'augmenter ce qui a conduit à une diminution du niveau d'eau, à l’émergence en surface d'une partie du combustible et enfin abouti à une fusion partielle.
Dans les 3 premiers réacteurs, des rejets de vapeur ont été effectués pour diminuer la pression à l'intérieur des réacteurs. Le jour où s’est déroulée la catastrophe, la structure externe du réacteur 1 a explosé à cause d’une accumulation trop importante d'hydrogène, entraînant l'effondrement du toit. L'enceinte de confinement était toutefois intacte. Le 15 mars à 6 h 40, heure locale, le réacteur 2 est victime d'une énorme explosion due à l'hydrogène accumulé. D'après l'autorité de sûreté nucléaire (ASN), l'enceinte de confinement n'est plus étanche, celle-ci étant nécessaire pour isoler le cœur de son environnement et éviter toute contamination avec l'extérieur. À 8 h 00, le réacteur 4 est victime de deux grosses explosions qui causent deux brèches d’environ 8 mètres de large sur l’enceinte extérieure du bâtiment abritant le réacteur. Ces explosions étant a priori dues à un incendie qui s'est déclenché au niveau de la piscine de refroidissement du combustible usé.
Les réacteurs 5 et 6 étaient à l'arrêt pour maintenance lors du séisme et ne sont donc pas touchés par des problèmes de sûreté. On relève toutefois une légère augmentation de la température à l'intérieur des réacteurs.
Le 15 mars, le président de l'ASN, André-Claude Lacoste, déclare que ces accidents seront classés à 6 sur une échelle allant de 0 à 7 (l'accident survenu à Tchernobyl en 1986 étant le seul aujourd'hui de niveau 7).
Le 16 mars, les autorités japonaises ordonnent l'évacuation temporaire du personnel de la centrale (une équipe de 70 personnes) en raison de la hausse dangereuse du niveau de radioactivité sur le site, mesurée à 400 mSv aux abords de la centrale. Ceci conduit à une interruption momentanée des efforts pour refroidir le cœur des réacteurs en fusion. En désespoir de cause, les autorités japonaises décident d'essayer de déverser de l'eau par voie aérienne (au moyen d'hélicoptères bombardiers d'eau) sur les réacteurs les plus menaçants. Pour le moment, cette solution s'est soldée par un échec. En effet, les radiations devenant trop élevées pour qu'un hélicoptère puisse survoler la centrale, il a fallu abandonner cette option. Le gouvernement japonais envisage à présent d'utiliser des canons à eau pour tenter de refroidir les réacteurs tout en restant à une distance de sécurité respectable. Par ailleurs, EDF (Electricité de France) préconisait l’envoie de plusieurs tonnes d'acide borique au Japon. Cette poudre, une fois mélangée à l'eau, permet de ralentir les réactions de fission. La question est de savoir s'il ne sera pas trop tard, car l'acheminement de ce produit est prévu ce jour, et mettra un certain temps. Les matières radioactives à l'air libre émettent énormément de radiations. Une trentaine de camions de pompiers ont commencé à arroser le bâtiment du réacteur 3. Les camions se relaient par groupes de cinq, du fait de la forte radioactivité sur le site. Il s'agit d'éviter que le combustible du réacteur 3 ne reste hors d'eau et n'entre en fusion. Depuis la France, EDF, Areva et le Commissariat à l'Energie Atomique (CEA), vont envoyer ce week-end au Japon 130 tonnes de matériel spécialisé, dont des robots. Pilotés à distance, ils peuvent intervenir à la place de l'homme. Ils évoluent en milieu irradiant, en intérieur comme en extérieur, et sont capables de réaliser des travaux publics (pelle mécanique, bulldozer), récupérer des débris, baliser, prélever des échantillons, enregistrer des vidéos et les transmettre. Cependant, notons que la situation reste "très grave" à la centrale de Fukushima, selon les autorités.
Il est donc évident que le problème n’est toujours pas résolu. Et cela nonobstant les autres conséquences du désastre causé par le séisme et le tsunami. Les répliques que l’on dénombre aujourd’hui à plus de 260 ont contribué à maintenir le climat angoissant qui pèse ces derniers jours sur l’archipel nippon. Selon les autorités le bilan est de 6 911 morts confirmés. Il devrait continuer à s'aggraver puisque plus de 10 000 personnes sont portées disparues. On peut aisément faire le constat qu’ils ne sont pas vernis nos amis japonais. Autant lors de la première menace, en 1945, ils l’avaient un peu cherchée, autant là ils subissent le contrecoup injuste d’un évènement naturel. Faut dire aussi que vu l’activité sismique dans le coin, il fallait un peu s’y attendre. 66 ans après Hiroshima, le nucléaire reste encore une source de problème, même s’il n’était pas utilisé à des fins militaires cette fois-ci, les risques sont énormes. On ne peut que prier pour ces populations qui traversent des moments difficiles et saluer le courage des soldats et des pompiers qui bravent les risques radioactifs pour tenter de refroidir les réacteurs. Puisse le spectre de Tchernobyl s’éloigner de Fukushima.