Suicide girl

Publié le par Allan Ridley

 

suicide.jpgAvec ce billet je risque de méchamment ébrécher l’image cool que j’avais probablement pu donner jusqu’à maintenant de moi-même (certainement à tort car nul n’est parfait). Quoique depuis l’article « L’infidèle » certains doivent quand même avoir compris qu’en réalité, malgré ma peau bleue, j’suis humain dans le fond. Il y a déjà plus d’un mois, un évènement sans précédent a eu lieu au sein de ma famille et a légèrement bouleversé ma connaissance d’une de mes proches et même quelque peu ma connaissance de ma propre personne. Ma sœur cadette, dans un accès de désespoir incompréhensible pour moi, a tenté de mettre fin à ses jours. Il m’a probablement fallu le temps de réaliser pour oser en parler ici.

Pour tenter de replacer le contexte dans lequel les évènements se sont déroulés j’vais devoir remonter à de vieux souvenirs. En 93’, alors que j’avais 11  ans et la benjamine de la famille 1 an, mes parents décidèrent de divorcer pour des raisons difficiles à assimiler pour ma capacité de compréhension de l’époque. Etant jugée trop jeune, ma sœur fût la seule à être confiée à notre mère dans un premier temps. Par la suite, mon p’tit frère, mon autre petite sœur et moi avons traversé des années difficiles au cours desquelles mon père changeait de compagnes régulièrement. Chacune d’entre elles s’efforçant de nous pourrir la vie du mieux qu’elles pouvaient pour tenter d’amener mon géniteur à nous mettre à la porte et ainsi leur permettre de reconstituer une nouvelle famille sans la présence des nuisances que nous représentions. C’est dans cette tourmente qu’à l’approche de ses 8 ans la cadette fût amenée à nous retrouver. J’vous épargnerai les détails de l’existence parfois merdique que nous menions, mais ça n’a pas été évident tous les jours. Mon père restait convaincu que nous étions des « soldats » au service de notre mère ayant pour mission de lui rapporter ses moindres faits et gestes et tentant de mettre ses copines à la porte pour lui donner une chance de réintégrer sa place. Il est vrai que vu l’inimitié qui prévalait entre nous et ses dernières il y avait de bonnes raisons tout de même. De plus, dans une certaine mesure, je peux dire à posteriori que ce qu’il pensait n’était pas totalement faux. Ma mère profitait outrageusement de notre innocence de l’époque et notre difficulté à comprendre certaines réalités pour nous faire interagir dans l’évolution de leurs problèmes, se souciant peu des coups qu’on prenait par conséquent dans la mêlée. Mais j’ai pu traverser tout ça et j’ai fini par quitter la maison paternelle. Au fil du temps, à l’aide de ce que certains appellent avec condescendance la « maturité », j’ai même quelque peu fini par comprendre certaines positions adoptées par mon père. La situation n’était pas toujours comme maman nous la décrivait avec un côté tout blanc et un autre irrémédiablement tout noir. Les nuances de gris se comptaient par millier.

Mon père avait toujours pris l’habitude, lorsqu’une situation posait problème, de nous réunir pour nous en parler tous ensemble. Ces regroupements, pendant mon adolescence, je les redoutais. C’était quasiment des séances de flagellation verbale et nous étions toujours au banc des accusés bien évidemment.

Il y a donc quelques semaines, devant l’attitude problématique de ma cadette qui se montre très difficile à canaliser (comme je l’avais indiqué dans l’article SUIVANT) mon père a organisé plusieurs fois ce genre de regroupement. Lors de l’un d’eux qui portait sur son refus de participer aux tâches ménagères et à l’action néfaste à laquelle elle s’évertuait à participer pour le compte de ma mère (depuis déjà plus de 19 ans cette dernière trouve toujours utile de se mêler des histoires de mon vieux et de salir sa réputation n’admettant toujours pas l’idée de leur divorce), ma sœur a semble-t-il trouvé que certaines bornes avaient été dépassées. Elle a décidé qu’elle en avait marre de cette existence et malgré le fait qu’elle était consciente d’être en terminale et donc sur le point de présenter son Bac et d’avoir en cas de succès une opportunité de quitter la maison pour ses études supérieures comme ça a souvent été le cas pour ses aînés…elle a décidé de faire une tentative de suicide en avalant plusieurs cachets. Fort heureusement cette suicidaire 2.0 avait pris la peine d’envoyer à ses frères (moi inclus) un SMS d’adieu qui nous est parvenu avant qu’il ne soit trop tard et nous a permis de lancer l’alerte. C’est ainsi qu’elle a pu être amenée aux urgences de l’hôpital dans lequel mon père travail (très bon pour les commérages de couloir cette petite intervention) et son pronostic vital a pu être préservé.

Seulement, contrairement aux idées reçues sur la gestion d’un suicidaire qu’on a pu tirer d’affaire, je ne ressens pas du tout la compassion qu’ont certains pour les personnes qui tentent de « régler » leurs problèmes ainsi. En effet, l’idée du signal fort, de la détresse maximale exprimée par un acte désespéré, je n’y suis pas vraiment sensible sur ce coup-là. Dans ce cas précis j’suis d’autant plus dégouté car les raisons me semblent absurdes. Oui je l’avoue, j’ai du mépris et de la colère pour ma sœur et l’acte qu’elle a posé. Franchement, si elle avait réussi son coup, a-t-elle songée une minute à la peine qu’elle aurait causée ? Et en agissant ainsi elle voudrait me convaincre qu’elle nous aime malgré tout. De plus, même si aux yeux de certains ça ne pèse pas lourd, j’ai souvent affirmé ma chrétienté et selon les préceptes de cette religion le suicide est un acte sacrilège qui porte atteinte au caractère sacré de la vie, tout comme le meurtre, et n’est récompensé que par un séjour éternel en enfer. Ma sœur, qui se veut plus pratiquante que mes autres frères et moi, depuis quelques années, m’a totalement désarçonné par cet acte. La vie qu’elle mène chez notre père, je l’ai menée et dans des conditions moins enviables, mais baisser les bras a toujours été exclu. On me dira que chacun a sa psychologie, je veux bien l’admettre mais ça ne rend pas pour autant la faiblesse louable. Quoiqu’on puisse prétendre, on souffre TOUS dans ce monde. Mais mettre un terme à nos existences ne sera JAMAIS une solution. Il existe des moyens de s’accrocher face à l’adversité, de gérer le mal quand il nous ronge. La foi, l’amour, l’amitié, l’humilité et même une certaine forme de compassion ouvrent des horizons que beaucoup refusent d’explorer. Joseph Campbell a écrit « Trouve en toi l'endroit où est la joie et la joie vaincra la douleur ». Car même une vie de malheurs a forcément des moments de joie aussi infimes soient-ils.

 

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L
<br /> Moi non plus je ne suis pas d'accord avec toi cette fois. Quelques soient tes convictions religieuses ou humanistes, tu as le droit d'être en colère, de désapprouver. Mais en aucun cas tu ne peux<br /> mépriser. La douleur n'est jamais méprisable. Il y a les forts et les faibles, c'est tout. Tolérance, Allan, tolérance...<br /> <br /> <br /> Bisous<br />
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A
<br /> <br /> Merci Louv', j'comprends ton point de vue. Mais pour moi ce n'est pas la souffrance qui transparait le plus dans ce geste, mais comme je l'ai dit précédemment l'égoïsme et la faiblesse. On peut<br /> comprendre la faiblesse sans pour autant la louer. Et l'égoïsme est alors beaucoup moins évident à accepter. Je ne me définis pas comme quelqu'un de fort mais je m'accroche et quand ça ne va pas<br /> je demande de l'aide. Le fait que ma soeur puisse sentir une détresse assez grande pour en arriver à ça alors que je m'efforce toujours de rester ouvert au dialogue ne peut pas m'aider à<br /> m'émouvoir devant ce choix malheureusement. Si ça ressemble à de l'intolérance, c'est malgré tout ma façon de percevoir les choses.<br /> <br /> <br /> Bisous<br /> <br /> <br /> <br />
S
<br /> J'ai du respect pour le suicide. Je comprends qu'on puisse désirer en finir. Mais à 19 ans... c'est tout le problème. Il n'y a pas d'âge pour être dégoûté de la vie. Mais la jeunesse est trop...<br /> passionnée pour agir avec raison. A-t-elle réellement voulu se tuer ? Ou alerter son entourage ? Quant aux considérations religieuses, à mon avis, ça ne pèse jamais lourd. Quand on est mal, on<br /> est mal, la foi divine, ça passe en arrière-plan ! Reste à savoir si elle a vraiment eu envie de mourir. C'est important de creuser cette question, car pour cette fois, c'est un échec, mais la<br /> prochaine ?...<br />
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A
<br /> <br />  Sur ce point nos avis divergent à coup sur. Le suicide à mes yeux n'est qu'une expression d'égoïsme et de<br /> faiblesse. Le désespoir a bien d'autres modes d'expression moins "irremédiables" et donnant une opportunité de voir les choses s'améliorer. Mais j'te rejoinds sur l'interrogation concernant sa<br /> véritable envie d'en finir. Il est vrai que rien n'est moins sur vu sa façon de procéder, mais si le but était de faire passer un message elle est à côté de la plaque, pour moi ce geste est<br /> méprisable.<br /> <br /> <br /> <br />